Nous sommes rentrés, ça c'est sûr! La bonne nourriture française, les gens qui parlent notre langue, la propreté, et l'abondance de toute chose. Mais mon esprit, lui, veut encore parler espagnol et vivre au jour le jour. Je crois qu'il est rester là-bas, à négocier un titre de séjour en Bolivie (il est vraiment inconscient celui-là!!).
Je me doutais bien qu'en rentrant, les choses n'allaient pas être si simples. Reprendre nos marques chez nous, alors qu'il a été si aisé et, dans un sens,si salvateur de déconstruire notre fonctionnement européen. Cela allait à coup sûr créer quelques petites anicroches. Cela je m'en doutais, et même je l'attendais avec une certaine impatience. Cependant, jamais je n'aurais pu imaginer que j'allais devoir appréhender ce vide.
En effet, que me reste-t-il à faire lorsque tout mes besoins primaires sont instantanément, ou presque, assouvis? Penser, m'interroger, sur des préoccupations tournant autour de la stabilité de ma vie, sur le travail. Tout autant de réflexions angoissantes dont la puissance est bien entendu décuplée par cette bonne vieille pression sociale à la française. Et oui pendant ces dix mois, mon esprit à observer, ressenti, pris les choses comme elles venaient. J'avoue avoir aimer cela et vous le dit sans me cacher: cela me manque.

 Je comprends cependant, qu'il faille s'adapter à notre milieu. Et actuellement, je vis de nouveau en France. J'entends parfaitement que pour y être légitime, je doive me remettre dans le bain et reprendre le cours de ma vie. Cette pression sociale ne serait qu'une composante à prendre en compte pour se réadapter, si elle ne prenait pas corps dans les voix et les attitudes de certains de mes pairs. Ces derniers, anxieux de voir la sécurité de leur situation mise métaphoriquement à mal par une bande de jeunes inconscients ayant décidé de perdre du temps dans la vie, s'arrogent le droit à la critique.
Je crois donc comprendre qu'il fut nécessaire à mon oncle de me stipuler, que là-bas ce n'était pas la vraie vie. Et à ma tante d'ajouter qu'elle aurait bien aimer prendre dix mois de vacances.
Il est clairement observable que le schéma normalisant d'une vie bien remplie passe par le fait de suer sang et eau, au moins sept heures par jours, pour subvenir à ses besoins primaires et espérer avoir assez de temps pour les secondaires, appelés "loisirs".
 
 D'habitude, je ne m'autoriserais pas une aussi vive critique. Mais j'avoue avoir été piquer au vif ! Mon point de vue sur ces "vacances à long terme" est tout autre. Comme ma famille peu émettre son opinion à ce sujet, voici la mienne.
  Même si nous n'avons pas fourni un travail, au sens tayloriste du terme, nous avons été plutôt actif durant cette période: apprentissage de langues, compréhension des réseaux sociaux et cultures différentes, rencontres de l'autre. Je me suis beaucoup écouté, plus que jamais au cours de ma vie. Nous disposions également d'une denrée rare dans nos contrées: le temps. Imaginez pouvoir évoluer à votre rythme et au gré de vos envies, dans un espace aussi large qu'un continent.
 Nos frontières et nos limites ont été maintes fois dépassées, chamboulant incessamment nos perceptions et nos a priori. Et c'est pour cela que je montes au créneau, questionnant ce fait: en quoi ce que nous avons vécus ne peut être également la vraie vie? Nous étions bel et bien présent sur ce continent. Nous y avons respiré, mangé, dormi. Comme n'importe quel individu, nous avons investi des lieux et des relations. Bref, nous avons vécus, d'une vraie vie bien vivante! J'ajouterais même, et c'est en partie pour cela que mon esprit à du mal à revenir, que par certains points le réalisme de ne notre épopée tendait parfois plus de la haute définition: des interactions souvent sans arrières pensées, une consommation juste suffisante à nos besoins, l'air du dehors...
 Nous avons vécus une vie bien réelle, autant qu'ici. La seule différence est, que outre-atlantique nous évoluions en électrons libres sans comptes ni résultats à rendre. Nos seules obligations résidaient dans le respect des gens, des lieux et des sociétés qui nous accueillaient à leur insu. A la maison, tout me laisse à penser que j'ai une dette dont je dois m'acquitter. Et c'est pour cela, que pour l'instant j'ai encore un peu de mal à rentrer... 

A bon entendeur, salut.